Samir Amin, « national-populaire » et peuple-classe.
Plusieurs militants ont ou vont produire des textes très instruits (1) sur Samir Amin qui vient de décéder ce 12 aout 2018 à presque 87 ans. Je vais me borner à évoquer un aspect.
Il me faut dire auparavant qu’il fut, outre ses ouvrages théoriques-critiques, un marxiste ex-maoiste devenu altermondialiste . Qu’il est le créateur (avec d’autres - 2) du Forum mondial des alternatives (FMA). Qu’Il a participé à plusieurs Forum Sociaux mondiaux (FSM).
Samir Amin, est devenu du fait de sa puissance critique dans plusieurs domaines théoriques et pratiques, en quelque sorte l’Ernest Mandel - grande figure de la IV Internationale décédé le 20 juillet 1995 - d’une future V Internationale des peuples-classe (composition sociale) et une internationale porteuses d’alternatives allant elles-même vers le socialisme (double contenu donc) ! (3)
Le " NATIONAL - POPULAIRE "
Venons-en à une formule parfois employée par lui : le « national-populaire » (notamment dans une vidéo de Mémoire des luttes mais ailleurs aussi).
Le national n’est ici que le CADRE - celui des Etats nation - du développement d’une double lutte qu’on peine à rapprocher : d’une part les luttes de classe via divers syndicats et d’autre part les luttes de démocratisation des institutions qui doivent sortir de l’emprise oligarchique et bureaucratique qui sert le capital d’abord, notamment sa branche financière. Les luttes de démocratisation font peu appel à des citoyens non situés. Il semble bien que la démocratisation soit un processus d’émancipation qui vienne d’en-bas soit un empowerment .
Il n’y a pas chez Samir Amin de fétichisme culturel de la Nation même si les variations culturelles existent . Il voit surtout en la matière des moyens de division ou des éléments de régression en terme d’accès à la liberté et l’égalité de tous et toutes.
Le « national populaire » qui porte la marque évidente de sa composition sociale - paysanne (surtout au Sud) et salariale (nationaux ou résidents, actifs ou chômeurs et retraités) - est OUVERT à l’international via une V Internationale à construire. Une Internationale organisation et non une Internationale mouvement, ce qui est à débattre . En tout cas, nous sommes bien loin d’un esprit étroitement national. Il sait que le capital est un cosmopolitisme des riches et des grands possédants. Il répète qu’il faut adjectiver la mondialisation.
Cette formule de « national populaire » diffère encore tout à la fois du nationalisme d’extrême-droite en exclusion des migrants mais aussi d’un national droitier d’en-haut et par en haut, c’est à dire construit sur la base d’un bloc social autour du 1% (classe dominante) et des classes moyennes aisées.
Il y aurait ici à distinguer, pour les formations sociales de la périphérie, au sein des classes dominantes, la « bourgeoisie compradores » (tournée vers les marchés mondiaux) et la « bourgeoisie nationale » (ayant opérée une déconnexion). Mais son propos ne semble pas (ou plus) être de devoir choisir une alliance économico-sociale entre un peuple-classe et une éventuelle « bourgeoisie nationale ».
Il y aurait ici à distinguer, pour les formations sociales de la périphérie, au sein des classes dominantes, la « bourgeoisie compradores » (tournée vers les marchés mondiaux) et la « bourgeoisie nationale » (ayant opérée une déconnexion). Mais son propos ne semble pas (ou plus) être de devoir choisir une alliance économico-sociale entre un peuple-classe et une éventuelle « bourgeoisie nationale ».
C’est cette conception du « national-populaire » qui m’autorise à dire que la V ème Internationale qu’il souhaitait construire était bien celle des peuples-classe allant vers le socialisme. Mais au sein des peuples-classe c’est aux classes sociales, paysannes ou ouvrières, qu’il pensait le plus. Les classes moyennes - terminologie ambiguë qu’il n’emploie pas - sont en soutien des classes sociales modestes et pauvres et pas des riches et des puissants.
- La question du socialisme et d’une souveraineté doublement progressiste
L’indépendance ne suffit pas. Toute souveraineté étatique n’est pas en soi progressiste. Il ne suffit pas de repousser l’impérialisme, il faut aussi repousser sa propre classe dominante, surtout sa fraction proprement capitaliste (au Nord) et sa fraction « compradores » au Sud. Mais en restant combatif pour l’autre fraction plus susceptible d’alliance. Toute élite n’est pas un Sankara !
La notion de « national-populaire » de Samir Amin - telle que je l’interprète ici en rapprochement de la notion de peuple-classe - à un potentiel supérieur d’émancipation - en cas de mise en oeuvre concrète évidemment - que la simple évocation d’une souveraineté en soi progressiste face à l’impérialisme ou à l’OTAN .
Christian DELARUE
1) plusieurs textes en hommage
- Celui de Jean-Marie Harribey sur son blog et sur ATTAC.
Celui de Bernard Dréano du CEDETIM
2) En 1996 avec François Houtard (décédé le 7 juin 2017, à l’âge de 92 ans) et d’autres intellectuels militants :
Le forum mondial des alternatives
https://www.pressenza.com/fr/2017/02/samir-amin-extraits-memoires-forum-mondial-alternatives-44/
3) Pour une internationale des peuples- Samir Amin - aout 2017
http://samiramin1931.blogspot.com/2017/08/samir-amin-pour-une-internationale-des.html
https://www.pressenza.com/fr/2017/02/samir-amin-extraits-memoires-forum-mondial-alternatives-44/
3) Pour une internationale des peuples- Samir Amin - aout 2017
http://samiramin1931.blogspot.com/2017/08/samir-amin-pour-une-internationale-des.html
Samir AMIN et la critique de l'économie politique de la mondialisation - Gustave MASSIAH - Amitié entre les peuples
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