A propos de la difficile perspective de l’Etat universaliste républicain, laïque et démocratique.
Posons l’idée générale d’emblée : L’Etat universaliste républicain, laïque et démocratique suppose un mode d’existence collective, où les mêmes avantages sont accordés à tous. Chaque mot compte dans cet ensemble complexe souvent réduit sous le seul terme de République.
Pour Jacques Cotta, « La République a des règles qui permettent de vivre ensemble. Elle ne définit pas les citoyens en fonction de leurs différences mais en fonction des droits et devoirs qu’il leur revient de partager ». (in 1 La Sociale - Républicanisme et universalisme ou communautarisme et différentialisme…). Son article fustige les communautarismes, entendez la division de la « communauté politique » en « sous-communautés » diverses. Mais la « communauté politique » et la République peuvent faire problème quand il y a beaucoup trop d’inégalités sociales (cf la « République bourgeoise » par les riches et pour les riches du 1% d’en-haut) ou territoriales (centre-périphérie de l’ensemble territorial) ou des discriminations racistes... D’ou le terme de perspective. Quelle République ? Quel combat ?
L’universalisme juridique est moins évoqué que la République. L’universalisme juridique reste fondé sur l’égalité des individus émancipés des déterminations objectives (origine, religion, race, sexe) . Avec l’humanisme juridique universel, les individus sont reconnus comme des êtres humains dignes, respectables, libres et égaux . Si inégalité il y a - et elle est forte - elle est factuelle et surtout d’ordre économique. Il importe alors de lutter contre ces inégalités socio-économiques très sérieusement (Sécurité sociale, véritable services publics, SMIC relevé, etc). Si ce combat n’est pas mené, il y a hypocrisie ou mensonge ! Au plan sociétal, c’est à dire ici au plan identitaire et communautaire, les groupes ou minorités (2) ne peuvent revendiquer de droits spécifiques.
I - Egalité face à la loi pénale !
Sous-pénalisation des uns et sur-pénalisation des autres ;
Dans un tel régime universaliste républicain et démocratique, il ne saurait y avoir des citoyens du peuple-classe , notamment des étudiants et autres manifestants salariés ou paysans, victimes de sur-pénalisation (répression policière suivie d’une sanction pénale lourde) et des membres de l’élite -collaborateur-voyou de l’Elysée - accomplissant sans crainte un job de barbouze (tabassage d’Etat) au plus haut sommet de l’Etat, ce qui s’apparente à une sous-pénalisation.
Quoiqu’on pense de l’affaire Benalla-Macron (à suivre) il importe de bien percevoir l’impossibilité d’être sous un régime dit d’universalisme républicain des droits et obligations si les collaborateurs des élites sont à ce point favorisés (puis protégés) et les « gens » d’en-bas sur-pénalisés comme c’est désormais fréquent .
Dérive césariste d’un Etat néolibéral autoritaire ?
Ce décalage de situation dans la mise en oeuvre de l’Etat de droit est probablement le signe d’une dérive césariste, ce qui renvoie à l’analyse d’un Etat plus bonapartiste que républicain et démocratique. (cf ce que j’ai pu écrire jadis à propos de M Sarkozy - cf note 3). A minima d’un Etat néolibéral autoritaire ou l’oligarchie et la classe dominante sont « les premiers de cordée ».
Pour la démocratie il ne suffit pas qu’il y ait des élections - comme on le pense trop souvent - il importe aussi - qu’il y ait un dispositif global d’universalisme des droits du citoyen soit un système républicain complété par divers dispositifs de justice sociale (avec justice fiscale et justice territoriale), dispositifs qui travaillent à un certain équilibre des situations et globalement à ce que les riches soient moins riches et les pauvres moins pauvres.
La liberté d’entreprendre et d’accumuler des richesses au sein du 1% d’en-haut doit être limitée et non absolue afin de maintenir cohésion sociale dans le cadre national. La cohésion sociale et territoriale s’oppose à de trop grandes inégalités de richesse entre fractions de la population et fractions du territoire.
L’Etat universaliste républicain et démocratique n’est pas - en principe - un Etat de classe manifestant une collusion entre l’Etat et le MEDEF (ou autre groupe de défense des puissants ou du 1% d’en-haut) sous prétexte de favoriser la liberté d’entreprendre en France et au profit de la France d’en-haut d’abord . Il y a une perspective d’ordre social à réaliser. La République est sociale ou elle n’est pas. D’aucuns militent même pour une République socialiste afin que que le « social » ne soit pas seulement un dispositif marginal et complémentaire pour les pauvres dans un système fondamentalement capitaliste qui fonctionne donc au profit d’abord et à la loi de la jungle, ignorant les besoins sociaux, l’intérêt général et la justice sociale.
II - Autres dérives
Dérive nationaliste
Quand l’universalisme juridique cité plus haut s’inscrit au sein de frontières nationales ou continentales, ce qui est une réalité dans un monde divisé en Etats-Nation (avec territoire et frontières), une dérive xénophobe d’Etat anti-migrants plus ou moins forte peut surgir. Elle est réelle de nos jours.
Cette dérive peut accompagner un racisme se développant dans la société civile et parfois dans l’Etat, sa police notamment.
Un autre dérive nationaliste - cachée sous l’universalisme - peut réprimer l’apprentissage des autres langues que celle nationale. Les Corses ne sont pas reconnus comme « peuple » (peuple ethno-culturel ou peuple-nation minoritaire) en France (décision de 1991) mais tout individu peut apprendre le corse en plus du français.
Dérive du mal-développement territorial.
Les territoires de la métropole-centre diffèrent de ceux de la périphérie d’outre-mer. Et au sein même de l’hexagone il y a encore des inégalités de développement. Il revient à l’Etat universaliste républicain de corriger par des politiques volontaristes ce mal-développement, et non de l’accompagner avec des services publics qui se concentrent sur les métropoles à l’instar des sociétés privées des grandes firmes capitalistes.
Christian DELARUE
1) La Sociale - Républicanisme et universalisme ou communautarisme et différentialisme…
http://la-sociale.viabloga.com/news/republicanisme-et-universalisme-ou-communautarisme-et-differentialisme
http://la-sociale.viabloga.com/news/republicanisme-et-universalisme-ou-communautarisme-et-differentialisme
2) lire : Etre afro-français ou appartenir à une communauté afro-française Diversité ou minorité ? Christian Delarue
http://amitie-entre-les-peuples.org/Etre-afro-francais-ou-appartenir-a-une-communaute-afro-francaise-Christian
http://amitie-entre-les-peuples.org/Etre-afro-francais-ou-appartenir-a-une-communaute-afro-francaise-Christian
3) Extrait article ancien portant sur M Sarkozy - CD
CESARISME : Le rapprochement avec le bonapartisme.
On peut rapprocher ce type de pouvoir personnalisé du bonapartisme qui admet et même s’appuie sur le suffrage démocratique mais en effectue un détournement populiste (3) de type extrême-droite. André et Francine Demichel (4) définissaient le bonapartisme comme « une dictature de fonctionnaires et de bureaucrates soigneusement triés par le pouvoir. L’institution des préfets est à cet égard très révélatrice ». Les deux derniers conflits du semestre 2009 dans le champ universitaire et celui de l’hôpital montre une volonté de « préfectoralisation », avec la décision de placer des autorités disposant de pouvoirs importants directement subordonnés au volonté du César républicain français.
Le bonapartisme serait, selon André et Francine Demichel, « la traduction historique d’une situation d’équilibre entre les classes. La bourgeoisie, pour maintenir cet équilibre, est amenée tout en conservant bien entendu son pouvoir économique, à déléguer son pouvoir politique ». Sommes-nous dans cette situation ? La crise financière qui a débouché sur une crise économico-sociale sévère pour les travailleurs a mis en accusation le capitalisme. Évoquer sans euphémisme le capitalisme prédateur, c’est un premier élément de gagné au plan de la bataille idéologique. Un élément faible cependant car d’une part c’est seulement le mauvais capitalisme financier et parasitaire qui a été accusé et d’autre part les dirigeants ont annoncé bien vite leur désir soit de le « moraliser », soit de le « refonder » .
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